Speaker: Bruno Patino, dean of Sciences Po Journalism School / Intervenant : Bruno Patino, doyen de l’Ecole de journalisme de Sciences Po.
« L’attention est-il un bien dont la valeur diminue ou augmente ? ». Cette question, posée par Bruno Patino en guise d’introduction, montre le lien entre le fait de courir constamment après la rentabilisation du temps et le sentiment de pleinement profiter de son existence. Statistiquement, les données montrent une saturation du temps passé sur mobile : 23% consultent leur smartphone avant de s’endormir et 41% le consultent pendant la nuit (les veilleurs sentinelles).
Une étude va même jusqu’à montrer que 17% des utilisateurs d’AirPods les portent au cours de leurs rapports sexuels, ce qui illustre ce besoin de connexion permanente.
Le défi actuel, qu’il s’agisse des médias numériques, plateformes de streaming ou applications, est de réussir à capter l’attention en moins de dix secondes. Aujourd’hui, ce temps passé sur les réseaux sociaux est devenu précieux pour les médias, puisqu’il représente le meilleur moyen de les financer.
D’après l’équation de Snapchat : (( (utilité + valeur + émotion) / (temps + effort) = la valeur est dans la vitesse donnée)) , l’émotion est ce qui se transmet le plus vite. C’est ce que recherchent les utilisateurs de l’application.
Chez Facebook au contraire, la transmission n’est plus individuelle mais collective, elle tient dans la viralité d’une publication.
« Aujourd’hui en terme de temps on est devenu des mines à ciel ouvert, plus on passe de temps à répondre aux sollicitations numériques, plus on nous hameçonne. » Bruno Patino insiste sur la compétition de plus en plus difficile et inégale entre toutes ces plateformes d’informations et de divertissements qui fatiguent les utilisateurs :
- Une fatigue sensorielle : un trop plein de sollicitations numériques qui épuisent les sens.
- Une fatigue décisionnelle : des choix progressivement délégués aux algorithmes pour décharger l’esprit.
- Une fatigue contextuelle.
Le retour du long format permettrait selon lui de reprendre le contrôle de ces fatigues.